{"id":5781,"date":"2020-03-24T19:42:11","date_gmt":"2020-03-24T18:42:11","guid":{"rendered":"https:\/\/saintsymphorien.net\/?p=5781"},"modified":"2021-09-23T13:18:52","modified_gmt":"2021-09-23T11:18:52","slug":"et-apres","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/saintsymphorien.net\/et-apres\/","title":{"rendered":"Et apr\u00e8s"},"content":{"rendered":"
Ce monde lanc\u00e9 comme un bolide dans sa course folle, ce monde dont nous savions tous qu\u2019il courait \u00e0 sa perte\u00a0mais dont personne ne trouvait le bouton \u00ab\u00a0arr\u00eat d\u2019urgence\u00a0\u00bb, cette gigantesque machine a soudainement \u00e9t\u00e9 stopp\u00e9e net. A cause d\u2019une toute petite b\u00eate, un tout petit parasite invisible \u00e0 l\u2019\u0153il nu, un petit virus de rien du tout\u2026 Quelle ironie\u00a0! Et nous voil\u00e0 contraints \u00e0 ne plus bouger et \u00e0 ne plus rien faire. Mais que va t-il se passer apr\u00e8s\u00a0? Lorsque le monde va reprendre sa marche\u00a0; apr\u00e8s, lorsque la vilaine petite b\u00eate aura \u00e9t\u00e9 vaincue\u00a0? A quoi ressemblera notre vie apr\u00e8s\u00a0?<\/p>\n
Nous souvenant de ce que nous aurons v\u00e9cu dans ce long confinement, nous d\u00e9ciderons d\u2019un jour dans la semaine o\u00f9 nous cesserons\u00a0de travailler car nous aurons red\u00e9couvert comme il est bon de s’arr\u00eater ;\u00a0un long jour pour go\u00fbter\u00a0le temps qui passe et les autres qui nous entourent.\u00a0Et nous appellerons cela le dimanche.<\/p>\n
Ceux qui habiteront sous le m\u00eame toit, passeront au moins 3 soir\u00e9es par semaine ensemble, \u00e0 jouer, \u00e0 parler, \u00e0 prendre soin les uns des autres et aussi \u00e0 t\u00e9l\u00e9phoner \u00e0 papy qui vit seul de l\u2019autre c\u00f4t\u00e9 de la ville ou aux cousins qui sont loin. Et nous appellerons cela la famille.<\/p>\n
Nous\u00a0\u00e9crirons\u00a0dans la Constitution qu\u2019on ne peut pas tout acheter, qu\u2019il faut faire la diff\u00e9rence entre besoin et caprice, entre d\u00e9sir et convoitise\u00a0; qu\u2019un arbre a besoin de temps pour pousser et que le temps qui prend son temps est une bonne chose. Que l\u2019homme n\u2019a jamais \u00e9t\u00e9 et ne sera jamais tout-puissant et que cette limite, cette fragilit\u00e9 inscrite au fond de son \u00eatre est une b\u00e9n\u00e9diction puisqu\u2019elle est la condition de possibilit\u00e9 de tout amour. Et nous appellerons cela la sagesse.<\/p>\n
Nous applaudirons chaque jour, pas seulement le personnel m\u00e9dical \u00e0 20h mais aussi les \u00e9boueurs \u00e0 6h, les postiers \u00e0 7h, les boulangers \u00e0 8h, les chauffeurs de bus \u00e0 9h, les \u00e9lus \u00e0 10h et ainsi de suite. Oui, j\u2019ai bien \u00e9crit les \u00e9lus, car dans cette longue travers\u00e9e du d\u00e9sert, nous aurons red\u00e9couvert le sens du service de l\u2019Etat, du d\u00e9vouement et du Bien Commun. Nous applaudirons toutes celles et ceux qui, d\u2019une mani\u00e8re ou d\u2019une autre, sont au service de leur prochain. Et nous appellerons cela la gratitude.<\/p>\n
Nous d\u00e9ciderons de ne plus nous \u00e9nerver dans la file d\u2019attente devant les magasins et de profiter de ce temps pour parler aux personnes qui comme nous, attendent leur tour. Parce que nous aurons red\u00e9couvert que le temps ne nous appartient pas ; que Celui qui nous l\u2019a donn\u00e9 ne nous a rien fait payer et que d\u00e9cid\u00e9ment, non, le temps ce n\u2019est pas de l\u2019argent\u00a0! Le temps c\u2019est un don \u00e0 recevoir et\u00a0chaque minute\u00a0un cadeau \u00e0 go\u00fbter. Et nous appellerons cela la patience.<\/p>\n
Nous pourrons d\u00e9cider de transformer tous les groupes WhatsApp cr\u00e9\u00e9s entre voisins pendant cette longue \u00e9preuve, en groupes r\u00e9els, de d\u00eeners partag\u00e9s, de nouvelles \u00e9chang\u00e9es, d\u2019entraide pour aller faire les courses o\u00f9\u00a0amener les enfants \u00e0 l\u2019\u00e9cole. Et nous appellerons cela la fraternit\u00e9.<\/p>\n
Nous\u00a0rirons en pensant \u00e0\u00a0avant, lorsque nous \u00e9tions tomb\u00e9s dans l\u2019esclavage\u00a0d\u2019une machine financi\u00e8re que nous avions nous-m\u00eames cr\u00e9\u00e9e, cette\u00a0poigne despotique broyant des vies humaines et saccageant la plan\u00e8te. Apr\u00e8s, nous remettrons\u00a0l\u2019homme au centre de tout parce qu\u2019aucune vie ne m\u00e9rite d\u2019\u00eatre sacrifi\u00e9e au nom\u00a0d\u2019un syst\u00e8me, quel qu\u2019il soit. Et nous appellerons cela la justice.<\/p>\n
Nous\u00a0nous souviendrons que ce virus s\u2019est transmis entre nous sans faire de distinction de couleur de peau, de culture, de niveau de revenu ou de religion. Simplement parce que nous appartenons tous \u00e0 l\u2019esp\u00e8ce humaine. Simplement parce que nous sommes humains. Et de cela nous aurons appris\u00a0que si nous pouvons nous transmettre le pire, nous pouvons\u00a0aussi nous transmettre le meilleur. Simplement parce que nous sommes humains. Et nous appellerons cela l\u2019humanit\u00e9.<\/p>\n
Dans nos maisons, dans nos familles, il y aura de nombreuses chaises vides et nous pleurerons celles et ceux qui ne verront jamais cet apr\u00e8s. Mais ce que nous aurons v\u00e9cu aura \u00e9t\u00e9 si douloureux et si intense \u00e0 la fois que nous aurons d\u00e9couvert ce lien entre nous, cette communion plus forte que la distance g\u00e9ographique. Et nous saurons que ce lien qui se joue de l\u2019espace, se joue aussi du temps ;\u00a0que ce lien passe la mort. Et ce lien entre nous qui unit ce c\u00f4t\u00e9-ci et l\u2019autre de la rue, ce c\u00f4t\u00e9-ci et l\u2019autre de la mort, ce c\u00f4t\u00e9-ci et l\u2019autre de la vie, nous l\u2019appellerons Dieu.<\/p>\n
Apr\u00e8s ce sera diff\u00e9rent d’avant mais pour vivre cet apr\u00e8s, il nous faut traverser le pr\u00e9sent. Il\u00a0nous faut consentir \u00e0 cette autre mort qui se joue en nous, cette mort bien plus \u00e9prouvante que la mort physique. Car il\u00a0n’y a pas de r\u00e9surrection\u00a0sans passion, pas de vie sans passer par la mort, pas de vraie paix sans avoir vaincu sa propre haine, ni de joie sans avoir travers\u00e9 la tristesse. Et pour dire cela, pour dire cette lente transformation de nous qui s’accomplit au c\u0153ur de l’\u00e9preuve, cette longue gestation de nous-m\u00eames, pour dire cela,\u00a0il n’existe pas de mot.<\/p>\n
Ecrit par Pierre Alain LEJEUNE, pr\u00eatre \u00e0 Bordeaux<\/p>\n
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Un texte \u00e9crit par Pierre-Alain Lejeune, pr\u00eatre \u00e0 Bordeaux.<\/p>\n","protected":false},"author":330,"featured_media":0,"comment_status":"open","ping_status":"open","sticky":false,"template":"","format":"standard","meta":{"_jetpack_memberships_contains_paid_content":false,"footnotes":""},"categories":[239],"tags":[],"class_list":["post-5781","post","type-post","status-publish","format-standard","hentry","category-religion-politique-et-societe","ctfw-no-image"],"yoast_head":"\n